Un changement majeur dans la gestion financière des copropriétés au Maroc vient d'être officialisé. Découvrez ce que ce nouveau cadre réglementaire implique pour les syndics et les copropriétaires.
Le 31 mars 2025, le Bulletin Officiel n°7391 a publié le décret n°2.23.733 fixant les règles comptables spécifiques aux syndicats de copropriétaires. Ce texte, signé par le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch le 23 janvier 2025, représente une réforme significative dans la gestion financière des immeubles en copropriété au Maroc. Après plusieurs années d'attente, cette réglementation vient enfin structurer et professionnaliser un secteur où la transparence financière était souvent mise en question.
L'une des principales innovations de ce décret est l'introduction d'un système comptable à trois niveaux, adapté à la taille et aux recettes des syndicats de copropriétaires. Pour les grandes copropriétés dont les recettes annuelles sont égales ou supérieures à 500 000 dirhams, le décret impose désormais l'obligation de produire un ensemble complet d'états financiers détaillés. Ces documents permettront un suivi rigoureux des flux financiers et garantiront une transparence totale pour les copropriétaires concernés.
Les copropriétés de taille moyenne, dont les recettes se situent entre 200 000 et 500 000 dirhams, bénéficient quant à elles d'un régime intermédiaire. Le décret leur offre la possibilité d'opter pour un système comptable simplifié avec des états financiers allégés, tout en maintenant un niveau suffisant de détail pour assurer une bonne gestion. Cette flexibilité permettra d'adapter les exigences comptables aux capacités réelles de gestion de ces structures.
Enfin, les petites copropriétés, avec des recettes inférieures ou égales à 200 000 dirhams, ne sont pas oubliées par cette réforme. Le législateur a prévu pour elles un système très simplifié, reconnaissant ainsi que les petits ensembles immobiliers n'ont pas les mêmes besoins ni les mêmes ressources que les grandes résidences. Cette approche graduée témoigne d'une volonté d'améliorer la gouvernance sans imposer de contraintes disproportionnées aux plus petites structures.
Le décret impose désormais la production de documents comptables standardisés, une avancée majeure pour la lisibilité des comptes de copropriété. La situation financière du syndicat, présentée sous forme d'un bilan détaillant les actifs et passifs de la copropriété, offrira une vision claire de la santé financière de l'ensemble immobilier à un instant donné. Ce document permettra notamment de visualiser l'état des réserves et d'anticiper les besoins futurs.
Le compte de gestion générale constitue un autre document essentiel introduit par cette réforme. En détaillant l'ensemble des recettes et dépenses de l'exercice, il permettra aux copropriétaires de comprendre précisément comment ont été utilisées leurs contributions. La transparence sur l'utilisation des fonds est en effet une demande récurrente des copropriétaires, souvent source de tensions dans les assemblées générales.
Le budget prévisionnel devient également un document normalisé et obligatoire. Véritable outil de planification financière, il permettra d'anticiper les dépenses futures et de calculer avec précision les appels de fonds nécessaires. Cette projection financière est indispensable pour éviter les situations d'urgence ou les appels de fonds exceptionnels souvent mal acceptés par les copropriétaires.
Enfin, les tableaux de suivi, notamment celui des contributions individuelles de chaque copropriétaire, apporteront une clarté bienvenue dans la relation entre le syndic et les propriétaires. Chacun pourra vérifier sa situation personnelle et l'historique de ses paiements, limitant ainsi les contentieux liés aux désaccords sur les sommes versées.
Le texte introduit un plan comptable dédié aux syndicats de copropriétaires, avec sept classes de comptes spécifiquement adaptées aux réalités de la gestion immobilière collective. La classe 1 concerne les provisions, fonds de réserve et résultat, éléments fondamentaux pour assurer la pérennité financière de la copropriété et anticiper les travaux importants. La classe 3 regroupe les créances ou actifs circulants, permettant de suivre précisément les sommes dues au syndicat, notamment par les copropriétaires retardataires.
La classe 4 englobe les dettes ou passifs circulants, reflétant les engagements financiers du syndicat envers ses fournisseurs et prestataires. La classe 5 est consacrée aux comptes de trésorerie, élément central de la gestion quotidienne puisqu'elle retrace les flux financiers entrants et sortants. Enfin, les classes 6 et 7 concernent respectivement les comptes de charges et de produits, détaillant avec précision l'origine et la destination des fonds.
Cette nomenclature spécifique, loin d'être une simple formalité administrative, constitue un cadre structurant qui permettra une meilleure organisation comptable et facilitera les comparaisons entre copropriétés. Elle contribuera également à professionnaliser le métier de syndic en imposant des standards élevés de gestion financière.
Pour les copropriétés dont les recettes dépassent le seuil significatif d'un million de dirhams, le décret franchit une étape supplémentaire en imposant une certification des comptes par un professionnel qualifié en matière de contrôle financier. Cette exigence, comparable à celle qui existe pour certaines entreprises, témoigne de l'importance accordée à la fiabilité des informations financières dans les grandes copropriétés, où les enjeux économiques sont particulièrement importants.
Par ailleurs, le décret renforce considérablement les obligations documentaires des syndics. Ils devront désormais tenir rigoureusement des livres comptables conformes aux standards professionnels, notamment un journal chronologique des opérations et un grand livre des comptes. Ces documents constituent la colonne vertébrale de toute comptabilité sérieuse et permettront de retracer avec précision l'historique des transactions financières.
La conservation des pièces justificatives pendant au moins cinq ans représente une autre obligation importante introduite par ce texte. Cette durée, alignée sur les délais de prescription de nombreuses actions en justice, permettra de disposer des preuves nécessaires en cas de contentieux ultérieur. En outre, le décret prévoit explicitement la transmission de l'ensemble de la documentation comptable au syndic suivant en cas de changement, garantissant ainsi la continuité de la gestion financière malgré les éventuelles transitions.
Pour les copropriétaires, ce nouveau cadre réglementaire apporte plusieurs avantages concrets. La lisibilité accrue des comptes de la copropriété permettra à chacun, même sans expertise comptable particulière, de comprendre la situation financière de son immeuble. La transparence sur l'utilisation des fonds communs limitera les suspicions parfois injustifiées à l'égard des syndics et contribuera à un climat de confiance au sein de la copropriété. Enfin, la possibilité de suivre précisément sa situation individuelle vis-à-vis du syndicat offrira à chaque propriétaire une vision claire de ses droits et obligations.
Du côté des syndics, ces nouvelles dispositions impliquent certains changements mais constituent également une opportunité de valorisation professionnelle. La nécessité de se former ou de s'adapter aux nouvelles exigences comptables pourra certes représenter un investissement initial, mais elle contribuera à élever le niveau général de la profession. L'obligation de mettre en place des outils de gestion plus rigoureux pourra s'accompagner d'une modernisation des pratiques, notamment avec l'adoption de solutions numériques adaptées. Enfin, la standardisation des documents comptables permettra aux syndics de justifier plus facilement leurs actions auprès des copropriétaires, limitant ainsi les situations conflictuelles souvent chronophages.
Le décret entrera en vigueur à partir du prochain exercice comptable suivant sa publication au Bulletin Officiel. Les syndics disposeront donc de quelques mois pour se préparer à cette transition, un délai raisonnable compte tenu de l'ampleur des changements introduits. Cette période transitoire devra être mise à profit pour former les équipes, adapter les systèmes d'information et préparer la communication auprès des copropriétaires.
Cette réforme s'inscrit dans le cadre plus large de la modernisation de la gestion immobilière au Maroc et de la professionnalisation du métier de syndic. Elle vient compléter la loi 18.00 relative au régime de copropriété des immeubles bâtis, qui avait déjà posé les bases d'une meilleure gouvernance des copropriétés. En comblant les lacunes réglementaires en matière comptable, ce décret répond à une attente forte du secteur et des copropriétaires.
Au-delà des aspects techniques, cette réforme ouvre des perspectives intéressantes pour l'avenir de la copropriété au Maroc. La standardisation des pratiques comptables pourrait favoriser l'émergence de comparaisons entre copropriétés et, à terme, l'identification des meilleures pratiques de gestion. La professionnalisation accrue des syndics pourrait également contribuer à valoriser cette fonction parfois décriée et attirer de nouveaux talents vers ce métier essentiel à la bonne gestion du parc immobilier collectif.
L'amélioration de la transparence financière constitue par ailleurs un facteur de sécurisation pour les investisseurs immobiliers, particulièrement importants dans un marché où la copropriété représente une part croissante des logements. À plus long terme, cette réforme pourrait ainsi contribuer indirectement à la dynamisation du secteur immobilier dans son ensemble.
Enfin, la digitalisation des processus comptables, bien que non explicitement mentionnée dans le décret, apparaît comme une évolution naturelle pour répondre aux nouvelles exigences. Le développement de plateformes numériques dédiées à la gestion des copropriétés pourrait ainsi être accéléré par cette réforme, ouvrant la voie à une gestion immobilière collective plus moderne et participative.
Ce nouveau cadre réglementaire représente sans conteste une avancée significative pour le secteur de la copropriété au Maroc. En instaurant des règles comptables claires et adaptées, le législateur cherche à renforcer la confiance entre copropriétaires et syndics, tout en professionnalisant davantage ce secteur crucial de l'immobilier. Si la mise en œuvre initiale pourra représenter un défi pour certains acteurs, les bénéfices à moyen et long terme semblent largement compenser cet effort transitoire.
Pour les professionnels comme pour les particuliers concernés par la copropriété, il devient essentiel de se familiariser avec ces nouvelles dispositions pour en tirer le meilleur parti et se mettre en conformité dans les délais impartis. L'accompagnement par des experts du secteur pourra s'avérer précieux durant cette phase de transition, tant pour les syndics que pour les conseils syndicaux souhaitant exercer pleinement leur rôle de contrôle.
En définitive, ce décret marque une étape importante dans la modernisation de la gouvernance des copropriétés au Maroc. Son succès dépendra toutefois de l'appropriation effective de ces nouvelles règles par l'ensemble des acteurs concernés et de la capacité collective à faire de cette réforme technique un véritable levier d'amélioration de la vie en copropriété.
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